Syndrome de Gougerot-Sjögren
Le syndrome de Gougerot-Sjögren… Je n’en mesurais pas vraiment les implications. Mes recherches, mes détours dans les groupes Facebook et les forums, m’ont amenée à mesurer l’ampleur de la méconnaissance et de l’incompréhension à laquelle peuvent être confrontées les personnes atteintes du syndrome de Gougerot-Sjögren. Les prises en charge proposées ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. Les patients ne trouvent pas systématiquement les réponses à leurs questions ou les solutions à leurs difficultés. Pourtant, des avancées médicales sont notables, aussi bien par l’évolution de la relation thérapeutique entre médecin et patient, que par des
découvertes sur les mécanismes physiopathologiques et des améliorations médicamenteuses et diagnostiques. En dépit de tout, les malades continuent de souffrir de leurs douleurs articulaires et/ou musculaires, de leur fatigue, de leurs troubles neurologiques, de leurs sécheresses buccale et/ou oculaire avec les répercussions que cela occasionne : dysphagie, dysphonie, troubles de l’attention et de la mémoire…
1. Le syndrome de Gougerot-Sjögren
1.1. Historique
Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie sur laquelle les scientifiques se sont penchés récemment. Les publications les plus anciennes remontent à 1888 (Mikulicz, Hadden, Hutchinson, Fischer). Elles exposaient des observations de cas unique. C’est un ophtalmologiste suédois, Henrik Sjögren, qui quatorze ans plus tard a décrit en détail dans une monographie, les symptômes d’un échantillon plus important, soit de dix-neuf patientes qui présentaient un oeil sec, associé pour treize d’entre elles à une autre maladie appelée polyarthrite* (Olschowka, N. 2005). C’est ainsi que Sjögren a donné son nom à ce syndrome qu’il avait observé.
De nos jours, dans la littérature internationale, seul « Sjögren » est utilisé pour désigner la maladie dont je vais traiter. C’est pourtant Henri Gougerot, dermatologue à l’Hôpital Saint Louis à Paris, qui, le premier, lors de la séance de la Société de Dermatologie et de Syphiligraphie de 1925 a dépeint les symptômes d’un « syndrome singulier non écrit dans les livres classiques » observé chez trois femmes qui n’avaient par ailleurs, aucune autre maladie apparentée (Hatron, P-Y. 2015). La littérature française, continue de lui rendre hommage en parlant, non pas du syndrome de Sjögren mais du syndrome de Gougerot-Sjögren. À la suite de Gougerot et Sjögren, plusieurs médecins ont contribué à une meilleure connaissance de la maladie. En 1964, Bloch, Bunim et coll. ont suivi soixante-deux patients répondant aux critères diagnostiques de l’époque (au moins deux critères parmi oeil sec, bouche sèche, polyarthrite ou autre maladie systémique). Ils ont décrit les atteintes de leurs patients et l’évolution de celles-ci en précisant les traitements efficaces. C’est à eux que l’on doit la première vraie description du syndrome de Gougerot-Sjögren.
Au cours des soixante dernières années, de meilleurs outils diagnostiques ont été mis en place (biopsie des glandes salivaires accessoires en 1966, classification du degré d’infiltration lymphocytaire des glandes salivaires accessoires par Chisholm en 1968), les critères diagnostiques ont été redéfinis (en 1993, 1996, 2002 et 2016). Les traitements sont en voie d’amélioration avec divers essais thérapeutiques et les études se sont multipliées afin de comprendre les mécanismes de la maladie et ses origines.
Malgré de grands bonds en avant, la maladie reste assez méconnue et renferme encore de nombreux secrets sur les raisons de son apparition, son mode de fonctionnement ou encore les moyens médicamenteux pour y faire face.
1.2. Caractéristiques de la maladie
1.2.1. Généralités
Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire se retourne contre les cellules de l’organisme qu’il est censé protéger, causant leur destruction. Dans cette maladie, les organes attaqués sont surtout les glandes exocrines*, notamment les glandes salivaires et lacrymales. Elles subissent une infiltration lymphocytaire* qui provoque une diminution des sécrétions salivaires et lacrymales. La xérostomie* et la xérophtalmie* forment le syndrome sec, caractéristique de la maladie. L’infiltration lymphocytaire peut intéresser d’autres organes et entraîner des manifestations systémiques de la maladie. Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut être isolé (il est alors dit primitif ou primaire) ou associé à une autre maladie auto-immune systémique comme une polyarthrite rhumatoïde, un lupus érythémateux*, une sclérodermie* ou qui ne touche qu’un seul organe comme une thyroïdite*, une cirrhose biliaire primitive*… Il est alors appelé syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire.
1.2.2. Épidémiologie
La prévalence de la maladie n’est pas connue et varie d’une étude à une autre, selon la méthodologie utilisée (critères diagnostiques, âge moyen de la population d’étude…). En France, elle « pourrait être autour de 0,5 à 1% mais une étude épidémiologique doit l’évaluer » pour Binard, A., et coll. (2006) et est « estimée entre 0,6% et 1,7% dans la population générale » par Fauchais, AL., et coll. (2012). Quoi qu’il en soit, le syndrome de Gougerot-Sjögren est considéré comme une maladie rare (Hatron, P-Y. 2014). Les maladies rares se définissent par une prévalence de 1/2000 selon la définition européenne, ce qui représenterait environ 33 000 personnes touchées en France.
Le syndrome de Gougerot-Sjögren atteint préférentiellement les femmes d’âge moyen (sex ratio de 9 femmes pour 1 homme à l’âge adulte). Toutefois, la maladie peut se déclarer à n’importe quel âge, l’enfance y comprise. Cette prédominance féminine s’explique de plusieurs façons. Il est reconnu que les oestrogènes* favorisent l’excès d’immunité, comme il y en a dans les maladies auto-immunes dont le syndrome de Gougerot-Sjögren. Il pourrait donc s’agir d’une explication bien que la maladie apparaisse le plus souvent à la ménopause (baisse d’oestrogènes) et ne soit pas influencée par la grossesse ou la prise d’hormones contraceptives. Une autre hypothèse se base sur le rôle du chromosome X de la femme, porteur de nombreux gènes de l’immunité qui pourraient avoir subi des mutations génétiques. Les cas familiaux de la maladie sont exceptionnels mais existent, ce qui est en faveur d’un terrain génétique favorisant l’apparition du syndrome de Gougerot-Sjögren.
1.2.3. Physiopathologie
Comme le disent Martel C., et coll. (2014), « la physiopathologie du SGS[p] est […] particulièrement complexe et reste encore en grande partie méconnue même si des avancées ont été faites ces dernières années ». Vraisemblablement, il n’y a pas une cause à cette maladie mais des causes, liées à de nombreux facteurs immunologiques, des facteurs environnementaux et une prédisposition génétique. Au niveau des facteurs génétiques, des liens ont été retrouvés entre l’haplotype* A1 B8 DR3 DQ2 et les anticorps* anti-SS-B qui peuvent être présents dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. D’autre part, plusieurs gènes de l’immunité, notamment ceux du tumour necrosis factoralpha* sont touchés par un polymorphisme*. Ces modifications, associées entre elles, favoriseraient l’excès d’activité de certaines cellules intervenant dans les défenses immunitaires. Concernant les facteurs environnementaux, il a été supposé que certains rétrovirus ou virus comme celui d’Epstein-Barr* pourraient être à l’origine d’une réponse immunitaire qui déclencherait la maladie. C’est associés au reste des facteurs favorisants et non seuls, qu’ils pourraient favoriser l’apparition du syndrome. Par ailleurs, une étude récente (Chaigne, B. 2014) a montré qu’une exposition à certains solvants pourrait influencer la survenue du syndrome.
Le mécanisme immunologique de la maladie est détaillé par Mariette, X. (2010), Fauchais, AL., et coll. (2012) et Le Gall, M. (2014). Vulgarisé, il peut s’expliquer comme suit.
Les glandes salivaires se composent :
– De canaux, qui transportent les produits de sécrétion jusqu’à la bouche,
– Et d’acini qui sont responsables de la fonction exocrine des glandes exocrines.
Les acini se composent eux-mêmes de cellules myo-épithéliales et de cellules épithéliales. Ce sont les dernières qui subissent une altération morphologique et fonctionnelle dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. Contrairement à celles des sujets normaux, les cellules épithéliales des acini des personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren expriment de grandes quantités d’antigènes* comme HLADR ou SS-A (Ro). Elles sont aussi le siège d’une délocalisation d’un autre antigène, l’antigène SS-B (La), du noyau vers le cytoplasme voire vers la membrane, ce qui le rendrait antigénique*. Ces modifications (un virus, une bactérie ou toute autre cause de réaction immunitaire s’ajoutant éventuellement au tableau) sont reconnues comme étrangères au soi et éveillent l’immunité, qui se
met à agir suivant deux mécanismes. En premier lieu, le système immunitaire réagit immédiatement et non-spécifiquement. Des cellules (macrophages, polynucléaires, cellules dendritiques) se mettent à stimuler les lymphocytes* T et B présents dans le sang et à attaquer les acini qui deviennent excessivement inflammés. Puis, les lymphocytes T* stimulés sont mobilisés : chaque sorte de lymphocytes T reconnaît spécifiquement un antigène présent sur les acini, (antigènes SS-A (Ro), SS-B (La), et HLA-DR) et l’élimine par une action cytotoxique. Les lymphocytes B* également mobilisés sécrètent des anticorps anti-SS-A, anti-SS-B, spécifiques aux antigènes. Ces anticorps vont se lier aux antigènes et former ce que l’on nomme des complexes immuns, qui eux-mêmes stimulent les acteurs du premier mécanisme.
Les antigènes sont détruits par ces deux mécanismes qui affectent dans le même temps tout l’acinus qui les porte. L’inflammation dépasse sa fonction de défense et génère des lésions. L’infiltration initialement péricanalaire tend à devenir diffuse et les acini s’atrophient. En général, 30% à 50% d’entre eux sont épargnées, ce qui devrait suffire à produire de la salive en quantité et en qualité suffisantes. Or, ce n’est pas le cas, la maladie se caractérisant par un syndrome sec. Ce phénomène est encore mal expliqué bien qu’il soit certain qu’il résulte d’anomalies de la jonction
neuro-exocrine*. Je détaillerai ce point plus tard. Enfin, les lymphocytes qui devraient normalement subir une apoptose*, survivent. La réaction immunitaire ne peut donc pas s’achever et l’inflammation continue d’être alimentée par la prolongation des deux mécanismes décrits.
1.3. Symptomatologie
Les caractéristiques centrales de la maladie sont le syndrome sec (xérostomie et xérophtalmie) ainsi que les douleurs articulaires et/ou musculaires et la fatigue. Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut également être à l’origine d’une sécheresse vaginale, de différentes atteintes systémiques, ou encore de troubles neurologiques. Les tableaux cliniques peuvent donc être très variés, dans la mesure où chaque patient est atteint de différentes manières et à différents degrés par la maladie.
1.4. Diagnostic
1.4.1. Critères diagnostiques
Depuis 1965, douze classifications ont été proposées pour le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren. En 2012, un groupe d’experts pluridisciplinaires composé de rhumatologues, d’ORL et d’ophtalmologistes (le groupe Sjögren’s International Collaborative Clinical Alliance – SICCA) a effectué un travail de redéfinition des critères diagnostiques de la maladie grâce aux données issues d’une population de 1632 patients. Il en est sorti la proposition d’une treizième classification, adoptée en 2016 par l’ACR (Amercican College of Rheumatologie) et l’EULAR (European League Against Rheumatism).
Critères ACR/EULAR de 2016 du syndrome de Gougerot-Sjögren
Syndrome de Gougerot-Sjögren reconnu si au moins 4 points
1. Signes histologiques (3 points)
Présence d’au moins un nodule de lymphocytes sur la biopsie de glandes salivaires accessoires,
correspondant à un grade 3 ou 4 de Chisholm (ou Focus score* > 1) (cf explication page 20)
2. Auto-anticorps (3 points)
Présence d’Anticorps anti-SS-A (Ro)
3. Test de Schirmer < 5 mm par 5 minutes (1 point) (cf explication page 20)
4. « Ocular Staining Score » > 5 (1 point)
Il s’agit d’une mesure des répercussions du syndrome sec sur la cornée faite en utilisant 2 types de
colorant : le vert de Lissamine et la fluorescéine.
5. Flux salivaire sans stimulation < 0,10 ml/mn (1 point)
Varoquier C., et coll. (2013), expliquent que ces critères présentent une excellente concordance avec la classification précédente pour le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren et qu’ils ont pour intérêt d’inciter à l’actualisation des critères : abandon d’examens devenus obsolètes comme la sialographie et la scintigraphie salivaire, utilisation de colorants pour l’examen ophtalmologique (la fluorescéine et le vert de Lissamine). Ces nouveaux critères ne comportent plus les symptômes mais s’adressent à des patients présentant des symptômes de sécheresse (réponse positive à au moins l’une des six questions posées dans les critères 1 et 2 de la classification antérieure – cf ci-dessous) ou des signes systémiques compatibles avec un syndrome de Gougerot-Sjögren.
Critères du groupe de consensus Américano-Européen révisés en 2002
Un syndrome de Gougerot-Sjögren est avéré lorsque quatre critères sont remplis avec au moins le critère 5 ou 6 présent
1. Symptômes oculaires :
Au moins un des trois critères ci-dessous :
– Sensation quotidienne, persistante et gênante d’yeux secs depuis plus de trois mois
– Sensation fréquente de « sable dans les yeux »
– Utilisation de larmes artificielles plus de trois fois par jour
2. Symptômes buccaux :
Au moins un des trois critères ci-dessous :
– Sensation quotidienne de bouche sèche depuis plus de trois mois
– A l’âge adulte, épisodes récidivants ou permanents de gonflement parotidien
– Consommation fréquente de liquides pour avaler les aliments secs
3. Au moins un signe objectif d’atteinte oculaire :
Au moins un des deux tests ci-dessous positifs :
– Test de Schirmer inférieur ou égal à 5mm/5 minutes
– Score de Van Bijsterveld supérieur ou égal à 4 (après examen au vert de Lissame)
4. Au moins un signe objectif d’atteinte salivaire :
Au moins un des trois tests ci-dessous positifs :
– Scintigraphie salivaire
– Scintigraphie parotidienne
– Flux salivaire sans stimulation inférieur ou égal à 1,5 ml/15 minutes (ou 0,10 ml/mn)
5. Signes histologiques :
Sialadénite* avec focus score inférieur ou égal à 1 sur la biopsie des glandes salivaires accessoires
6. Auto-anticorps
Présence d’anticorps anti-SS-A (Ro) ou anti-SS-B (La)
1.4.2. L’établissement du diagnostic
Les signes d’alerte qui amènent la recherche de la maladie sont, en général, des douleurs articulaires et/ou musculaires, une sécheresse buccale et/ou oculaire et une grande fatigue. Ils peuvent être vécus indépendamment les uns des autres ou pas. Plus rarement, les signes d’alerte peuvent aussi se présenter sous la forme d’un gonflement
aigu de la glande parotide, d’un purpura*, d’un phénomène de Raynaud*, d’atteintes pulmonaires, hématologiques, rénales, ou d’atteintes neurologiques qui éveillent les soupçons des médecins sur l’éventualité d’une maladie sous-jacente, à l’origine de ces manifestations cliniques. Certains patients sont alors reçus (après un parcours médical plus ou moins compliqué) en hospitalisation de jour dans des consultations multidisciplinaires qui ont pour but la recherche du syndrome de Gougerot-Sjögren. Au cours de cette journée, ils s’entretiennent avec divers professionnels (rhumatologue, ophtalmologue, ORL, dermatologue…) et passent divers examens qui permettent de définir s’ils répondent aux critères diagnostiques cités précédemment. Le plus souvent, pour objectiver le syndrome sec oculo-buccal, les médecins utilisent la sialométrie et le test de Schirmer. La première consiste à mesurer le débit salivaire : le patient doit baver dans un gobelet sans s’être brossé les dents, ni avoir mangé, bu ou fumé au préalable. Tout traitement sialagogue* aura été interrompu en vue de ce test. Le deuxième quantifie les larmes. Pour ce faire, une bandelette de papier buvard est placée au niveau du cul-de-sac de la paupière
inférieure de l’oeil. Elle absorbe pendant 5 minutes les sécrétions lacrymales. Une biopsie des glandes salivaires accessoires est effectuée pour vérifier la présence d’une véritable infiltration lymphocytaire dans les glandes salivaires. La classification de Chisholm détermine 5 stades : le stade 0 est une absence totale d’infiltrat lymphocytaire, le stade 1 correspond à un infiltrat léger, le stade 2 à un infiltrat un peu plus important, mais comportant moins de 50 cellules lymphocytaires par 4 mm² de tissu glandulaire, le stade 3 correspond à un foyer de plus 50 lymphocytes par 4 mm². Enfin, dans le stade 4, l’infiltration est encore plus importante, réalisant plus d’un foyer de 50 cellules par 4 mm². Seuls les stades 3 et 4 (focus score supérieur ou égal à 1) sont pathologiques et permettent de valider ce critère diagnostique. Enfin, des examens biologiques sont entrepris avec une prise de sang permettant de vérifier le taux de globules et d’immunoglobulines dans le sang ainsi que la présence ou non, sur le plan immunologique, d’anticorps anti-SS-A (Ro) ou anti-SS-B (La), marqueurs d’auto-immunité qui peuvent signer la présence d’un syndrome de Gougerot-Sjögren.
1.4.3. Diagnostic différentiel
La démarche diagnostique consiste donc en une succession d’examens et de conversations qui apportent au corps médical le maximum d’informations afin de déterminer si oui ou non, la personne est atteinte du syndrome de Gougerot-Sjögren. Bien que ces examens semblent complets, le diagnostic n’est pas toujours aisé, en particulier dans les formes débutantes de la maladie, lorsque l’ensemble des critères n’est pas forcément réuni. De plus, les premiers signes d’alerte peuvent être d’une nature toute autre que la triade sécheresses, douleurs et fatigue. D’après une étude menée par les Prs. Hachulla, Hatron et De Sèze (De Sèze, J. 2011), dans leur série, le mode de début du syndrome de Gougerot-Sjögren était neurologique dans plus d’un cas sur deux. Chez les personnes atteintes d’un syndrome de Gougerot-Sjögren neurologique, entre 30% et 50% seulement expriment des anticorps. Le diagnostic repose alors presque uniquement sur la biopsie des glandes salivaires accessoires. Or, elle présente des 20 difficultés techniques : il faut avoir une glande de bonne qualité et selon l’anatomopathologiste qui compte, le nombre de cellules mononucléées peut diverger… De plus, 10 à 15% de la population générale possèdent une biopsie des glandes salivaires de stade 3 quand des patients avec un syndrome de Gougerot-Sjögren peuvent être au stade 1 ou 2. Par ailleurs, le syndrome sec buccal, principale caractéristique de la maladie, peut avoir de nombreuses autres causes comme un vieillissement normal, la radiothérapie, l’hépatite C, un syndrome dépressif, le stress, l’anxiété, le diabète décompensé, la prise de certains médicaments (benzodiazépines, neuroleptiques, antidépresseurs…) (Guillevin, L. 2014). Il existe donc des critères d’exclusion pour l’établissement du diagnostic, à savoir : antécédents d’irradiation cervicale, infection par le VHC ou le VIH, lymphome pré-existant, sarcoïdose, réaction du greffon contre l’hôte, utilisation de médicaments anti-cholinergiques. Aucun ne doit être oublié, ce qui nécessite une connaissance approfondie des antécédents médicaux de chaque individu.
1.4.4. L’errance diagnostique
Les maladies rares sont mal connues et peu enseignées dans les universités. Les médecins généralistes y sont rarement confrontés. Le patient et son entourage se retrouvent alors « envoyés de consultation en consultation, de tests biologiques en examens complémentaires, d’angoisse en désespoir, souvent isolés dans leur souffrance avant de trouver éventuellement le(s) spécialiste(s) qui leur apporte(nt) une prise en charge optimale de leur pathologie » (Lamoril, J., et coll. 2007, p.285).
D’après une grande enquête organisée par la Commission recherche d’Alliance Maladies rares en 2014 (Saide, J. 2015), l’errance diagnostique dans le syndrome de Gougerot-Sjögren a duré plus de cinq ans pour 31% des 619 répondants à l’étude. A la question « A votre avis, des erreurs de diagnostic ont-elles été commises ? », 47% des malades répondent oui, avec une proportion plus importante chez ceux qui ont attendu plus de cinq ans avant qu’on ne leur confirme le diagnostic. L’errance diagnostique se révèle évidemment douloureuse pour les personnes qui la vivent. Toujours dans la même étude, 56% des répondants disent qu’elle a beaucoup porté préjudice à leur état physique, 70% disent qu’elle a beaucoup porté préjudice à leur état psychique et 53% estiment qu’elle a entraîné un comportement inadapté de leur entourage. Les statistiques qui ressortent de cette étude montrent que l’établissement du diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren peut être une étape difficile aussi bien pour les médecins que pour les patients. Plusieurs mois peuvent s’écouler avant qu’un nom ne soit mis sur les plaintes des
21 personnes vues en consultation et qu’une prise en charge de leurs souffrances ne débute.
1.5. Principaux traitements
Le syndrome de Gougerot-Sjögren évolue par poussées-rémissions. La santé du patient est stable jusqu’à ce qu’il fasse une poussée. Son état se dégrade alors puis se rééquilibre. Le pronostic vital n’est pas en jeu dans la plupart des cas. Cependant, il s’agit d’une maladie orpheline, c’est-àdire qui ne bénéficie pas de traitement efficace. A l’heure actuelle, les principaux traitements sont (Saraux, A. 2010) :
1 – Des traitements symptomatiques :
• Pour la sécheresse : des larmes et de la salive artificielle (tous les patients n’y sont pas sensibles et elle n’a qu’un effet éphémère), des sialagogues (ne sont efficaces qu’au début, lorsque persiste un parenchyme glandulaire encore fonctionnel – Vaillant, JM. & Laudenbach, P. 1988) comme la bromhexine (Bisolvon®), l’anetholtrithione (Sulfarlem®) ou le chlorhydrate de pilocarpine (Salagen®). Avec ce dernier, 60% des malades observent une amélioration du syndrome sec buccal et 40 % une amélioration du syndrome sec oculaire. Pour contourner le non-remboursement de ce traitement, les médecins prescrivent une préparation magistrale de chlorhydrate de pilocarpine dans une dose légèrement différente.
• Pour les douleurs : des antalgiques simples ou des anti-inflammatoires, la corticothérapie* à petites doses (permet une régression de la destruction des acini et donc des améliorations de la sécrétion salivaire de manière passagère mais sont souvent la cause d’apparition de candidoses et de caries dentaires déjà favorisées par le manque de salive).
2 – Des traitements dits « de fond » car ils agissent indirectement sur la réponse immunitaire : le Plaquenil, le Méthotrexate (souvent utilisés pour leur propriété anti-inflammatoire après plusieurs semaines, bien que la preuve de leur efficacité n’a pas encore été apportée), les immunoglobulines* (efficaces mais avec des effets secondaires non négligeables), des biothérapies* et des médicaments anti-lymphocytes B.
2. Sémiologie des troubles ORL et neuropsychologiques
2.1. Les troubles de la sphère ORL
2.1.1. Sécheresse buccale
Pour la production de salive, il existe deux types de glandes exocrines : les glandes salivaires principales dites majeures (qui produisent 90 à 95% de la salive buccale) et les glandes salivaires accessoires dites mineures.
Les glandes salivaires principales sont au nombre de six (trois paires avec un élément de chaque côté). Les glandes parotides, les plus volumineuses, produisent 60 à 65% du flux total salivaire. Les glandes sous-maxillaires (ou submandibulaires) produisent entre 20 et 30% du flux salivaire total. Quant aux glandes sub-linguales, elles sécrètent 2 à 5% du flux salivaire total. Ces glandes se composent d’acini qui peuvent être séreux, muqueux ou mixtes. Les acini séreux sécrètent de la salive aqueuse avec très peu de mucines*. Les acini muqueux sécrètent du
mucus*. Les acini mixtes sécrètent les deux. En fonction des acini qui les composent les glandes sont définies comme séreuses, muqueuses ou mixtes. Ainsi, les glandes parotides sont séreuses, les glandes submandibulaires et
sublinguales sont mixtes, à prédominance séreuse pour les submandibulaires et muqueuse pour les sublinguales. Les glandes accessoires sont également mixtes (Devoize, L. & Dallel, R. 2010). Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, toutes les glandes salivaires peuvent être atteintes, mais d’après Chisholm, ce serait les glandes parotides et sous-maxillaires qui seraient les plus touchées. Comme évoqué dans la partie « physiopathologie », toutes ne sont pas détruites. Les glandes épargnées par l’infiltration lymphocytaire ne fonctionnent toutefois pas de manière
attendue.En temps normal, un neuromédiateur*, l’acétylcholine, vient se fixer sur stimulation neurologique, sur les récepteurs spécifiques dits muscariniques présents à la surface des acini. Cela provoque une augmentation de la concentration en calcium à l’intérieur de la cellule, ce qui ouvre des passages dans sa membrane. Les ions chlorure, suivis des ions sodium affluent alors dans les canaux des glandes, augmentant la concentration en chlorure de sodium dans les cellules. Cette modification attire l’eau : c’est l’osmose. La salive ainsi produite chemine vers la cavité buccale en s’enrichissant de sodium et de potassium et finit par se répandre dans la bouche. Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, il y existe des anomalies de la jonction neuroexocrine qui empêchent son bon fonctionnement.
Elles pourraient être de trois natures :
• Des cytokines produites dans les glandes salivaires auraient un rôle inhibiteur du mécanisme qui vient d’être décrit,
• Des anticorps anti-récepteurs muscariniques se fixeraient sur les récepteurs muscariniques à la place de l’acétylcholine,
• Des canaux à eau seraient mal situés sur les cellules, et ne pourraient donc plus jouer leur rôle de pompe à eau (Mariette, X. 2010).
Cela explique pourquoi une modification de la composition et de la quantité de salive produite est retrouvée dans 80% des cas dans le syndrome de Gougerot-Sjögren (Sauvezie, B., et coll. 2000). Quand l’individu moyen sécrète jusqu’à 1,5 litres de salive par jour, une personne atteinte de cette maladie peut n’en sécréter que 300 mL (Lesourd, B. 2006). Les prémices de la maladie ne s’accompagnent pas d’une diminution de la sécrétion de salive mais plutôt d’une modification de la composition salivaire (augmentation en sodium, en chlore, en protéines). Les propriétés de la salive en sont fortement altérées : la salive perd de son pouvoir de mouillabilité des muqueuses et de son pouvoir tampon*. La gêne occasionnée prend alors la forme d’une sensation de sécheresse buccale non objectivable appelée xérostomie. Par la suite, la salive produite au repos et lors des repas s’appauvrit. On parle d’hyposialie (diminution du flux salivaire) ou d’asialie (absence de sécrétion salivaire). La diminution salivaire est objectivable par les tests de débimétrie salivaire utilisés au moment du diagnostic (Deschaumes, C. 2009). La xérostomie n’est pas forcément
constante dans le temps et dans son intensité (Hatron, P-Y. 2010) et tous les patients n’en souffrent pas. La diminution et la modification de la sialorrhée altèrent significativement la qualité de vie, par influences sur l’alimentation, l’élocution, le sommeil, l’état bucco-dentaire et plus largement la vie sociale.
2.1.2. Atteintes oesophagiennes
Plusieurs études ont montré que la motricité de l’oesophage était anormale chez les personnes atteintes du syndrome de Gougerot-Sjögren. Par exemple, dans l’étude de Palma, R., et coll. (1994), 33,3% des participants avec un syndrome de Gougerot-Sjögren présentaient des dysfonctionnements de la motricité oesophagienne. Pour certains, la manométrie montrait une absence de relaxation du sphincter inférieur de l’oesophage et pour d’autres un apéristaltisme. Dans l’étude d’Anselmino, M., et coll. (1997), un défaut de péristaltisme (consistant en des contractions simultanées de diverses parties de l’oesophage) était également relevé à la manométrie chez plus de
30% des sujets, tous ayant une dysphagie sévère. Ces contractions simultanées ont lieu soit dans la partie distale de l’oesophage (5-10cm au-dessus du sphincter inférieur de l’oesophage) soit dans la partie proximale (15-20cm au-dessus du sphincter inférieur de l’oesophage). Toujours dans la même étude, le temps de contraction a été reconnu significativement plus court et la propagation du péristaltisme significativement plus rapide (surtout dans la partie distale de l’oesophage) que chez les sujets sains. Enfin, la radiographie révélait des contractions plus importantes que chez les sujets sains dans 2/20 des cas et une hernie hatiale* dans 5/20 des cas. La présence des anomalies citées peuvent aller jusqu’au diagnostic d’achalasie* (Becheur, H., et coll. 2006) et entraîner des troubles de la déglutition, une sensation d’oppression thoracique, des nausées, une halitose*, voire des régurgitations acides et alimentaires.
2.1.3. Atteintes respiratoires
La fréquence des manifestations respiratoires varie entre 9 et 75% dans les études (Tillie-Leblond, I., et coll. 2012). Une atteinte pulmonaire cliniquement significative concerne moins de 10% des patients mais des anomalies pulmonaires peuvent être retrouvées au scanner thoracique chez 30 à 60% de patients n’ayant aucune plainte. Par ailleurs, 75% des personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren présentent des anomalies des épreuves fonctionnelles respiratoires (Crestani, B. & Schneider, S. 2006). Ces atteintes respiratoires peuvent s’expliquer de plusieurs manières.
L’infiltration lymphocytaire peut s’étendre des fosses nasales jusqu’aux alvéoles en passant par le larynx, la trachée, les bronches, les bronchioles… provoquant une inflammation cellulaire et une sécheresse. Les voies aériennes peuvent être touchées à divers degrés par le dysfonctionnement et la destruction des glandes exocrines.
D’après Schnabel, A. (2005), une pleurésie*, une alvéolite*, une fibrose pulmonaire interstitielle*, une bronchiolite folliculaire* ou une hypertension artérielle pulmonaire* peuvent apparaître. A cause de la fibrose interstitielle, les alvéoles perdent leur capacité à se dilater au moment où l’air pénètre dans les poumons, ce qui crée une fatigue respiratoire progressive. La fibrose, consécutive à l’inflammation cellulaire, peut aussi toucher les bronchioles et rétrécir leur calibre (on appelle ce phénomène une broncho-pneumopathie obstructive), diminuant les capacités de passage de l’air. Les échanges gazeux entre les alvéoles et la circulation sanguine sont donc compromis. Par ailleurs, il peut y avoir une diminution de la clairance mucociliaire* due aux modifications du mucus provoquées par la sécheresse. Les répercussions peuvent prendre la forme d’une toux sèche présente jour et nuit chez 50% des patients, voire se manifester par une hyper-réactivité bronchique, c’est-à-dire par un manque d’oxygène qui se caractérise par un essoufflement, une gêne respiratoire, notamment à l’effort.
2.2. Les troubles neuropsychologiques
2.2.1 Atteintes neurologiques
Des manifestations neurologiques du syndrome de Gougerot-Sjögren sont présentes chez 8 à 66% des malades selon les études. En réalité, la proportion générale tournerait plutôt autour de 30%, avec un sex ratio sortant de l’ordinaire, à savoir 1 homme pour 4 femmes (habituellement 1 pour 9) (De Sèze, J. 2011). Les signes neurologiques simulent d’autres maladies. La confusion est souvent faite avec la sclérose en plaques. Les mécanismes des atteintes neurologiques sont discutés. Pour certains elles viendraient de vascularites (simples, nécrosantes, ou lymphocytaires). Pour d’autres, elles seraient la conséquence de l’infiltration lymphocytaire directe des tissus cérébraux, ce qui provoquerait une inflammation chronique. Selon Guillevin, L. (2000) et Delalande, S., et coll. (2010), les atteintes neurologiques périphériques se caractérisent par une mauvaise transmission de l’influx nerveux due à une atteinte de l’axone (et non de la myéline) dont l’origine serait possiblement l’obstruction d’un vaisseau
sanguin. Dans cette première catégorie se trouvent :
1 – Les neuropathies périphériques présentes dans 1/3 à 2/3 des cas. Elles intéressent essentiellement les fibres sensitives et parfois les fibres sensitivo-motrices. Elles se traduisent par des paresthésies*, des troubles de l’équilibre (ataxie)…
2 – Les atteintes des nerfs crâniens (isolées ou multiples)
• L’atteinte la plus fréquente est celle du nerf trijumeau (V). Elle prédomine sur le contingent sensitif, notamment sur les branches inférieures, souvent de manière unilatérale et cause une perte de la sensibilité de la face.
• Parfois le nerf facial (VII)
• Parfois le nerf vestibulo-cochléaire ce qui peut provoquer une surdité brusque
• Parfois le nerf oculomoteur (III)
3 – Les atteintes du système nerveux autonome qui se traduisent par des troubles de la sudation, quelquefois par des hypotensions orthostatiques
4 – Les atteintes musculaires à l’origine de myalgies*
5 – Les neuropathies des petites fibres* qui exacerbent les sensations, font ressentir des brûlures, des démangeaisons ou des douleurs aux extrémités qu’on nomme allodynies. Les paralysies sont exceptionnelles.
Les atteintes neurologiques du système nerveux central sont moins reconnues. Les manifestations peuvent être diffuses ou focales.
1 – Les atteintes focales (unifocales ou multifocales) :
• Les atteintes encéphaliques sont les plus fréquentes. Elles peuvent être à l’origine de diverses formes d’épilepsie, d’un syndrome extra-pyramidal…
• Les atteintes médullaires à l’origine de myélopathies (transverses, progressives) qui peuvent notamment causer des vessies neurologiques (incontinence neurologique)
• Les neuropathies optiques à l’origine d’une baisse de l’acuité visuelle
2 – Les atteintes diffuses :
• Les méningoencéphalites qui se caractérisent par un syndrome méningé et confusionnel parfois avec des myalgies
• Les troubles cognitifs : des signes de focalisations ou de lésions ne sont pas toujours retrouvés à l’imagerie cérébrale mais ils seraient de type sous-cortico-frontal.
2.2.2. La fatigue
La fatigue est un des symptômes dont les personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren se plaignent le plus. Elle est qualifiée d’importante dans 60% des cas (Dupond, J-L. 2015). Il s’agit à la fois d’une fatigue physique et d’une fatigue psychologique, à laquelle s’ajoutent souvent des troubles du sommeil. Physique, car les douleurs quotidiennes, l’inflammation, voire une atteinte de la glande thyroïde, empêchent le corps de suivre un rythme d’activités trop soutenu. Une étude d’Urbanski, G.(2014) a montré qu’il y aurait des anomalies métaboliques compatibles avec un dysfonctionnement mitochondrial (chaîne respiratoire de la mitochondrie). 85,7% des 17 participants à son étude en présentaient. Psychologique, du fait de la dépression toute particulière au syndrome. Elle fait baisser la vigilance et l’aptitude à réagir.
2.3. Répercussions fonctionnelles
2.3.1. Sur l’alimentation
2.3.1.1. La dysphagie
D’après Logemann, J. (2007), la dysphagie se définit comme une difficulté survenant entre la mise en bouche des aliments et leur passage dans l’estomac. Elle peut se traduire par une gêne, une douleur ou le blocage des aliments. Il existe d’autres symptômes spécifiques ou aspécifiques de la dysphagie comme des difficultés d’ouverture buccale, de mastication, les déglutitions répétées d’une même bouchée, un reflux gastro-oesophagien, la toux, l’allongement de la durée des repas, la modification de la consistance des aliments, les restrictions alimentaires… (Lauret Corthay, D. & Garnier Paillusseau, L. 2011). La définition du dictionnaire d’orthophonie (Brin Henry, F., et coll.2011) précise que l’incapacité d’avaler peut être partielle ou totale, temporaire ou permanente. Ces définitions laissent bien entendre que la déglutition peut être altérée dans n’importe laquelle de ses phases qui sont au nombre de trois. La phase orale est volontaire. Elle consiste à porter les aliments en bouche, à constituer le bol alimentaire et à le propulser vers le pharynx. La phase pharyngée est réflexe. Durant cette phase, les aliments passent de la cavité buccale au pharynx en déclenchant le réflexe de déglutition. La phase oesophagienne est réflexe aussi. C’est le passage des aliments dans l’oesophage avec l’ouverture du sphincter supérieur de l’oesophage. Plusieurs études analysant les altérations consécutives au syndrome de Gougerot-Sjögren (Kaplan, I., et coll. 2008 ; Ruiz Allec, L., et coll. 2011), ont montré que la déglutition ne se passait pas tout à fait normalement chez les personnes atteintes de cette maladie. Dans la première étude, sur 31 malades interviewés, 22 (71%) décrivaient une dysphagie (17 aux solides, 1 aux liquides et 4
aux deux). Les examens objectifs ont montré que 28 (90%) avaient des troubles de la déglutition. Dans la deuxième étude, sur 100 malades 37% avaient des difficultés à mastiquer et 38% des difficultés à déglutir. Une troisième étude (Anselmino, M., et coll. 1997), menée auprès de 27 sujets disait que 7,4% d’entre eux avaient une dysphagie légère, 26% une dysphagie modérée et 40,6% une dysphagie sévère (soit 74% des malades présentant une dysphagie).
Par ailleurs, le pourcentage de personnes qui ressentent des douleurs de la sphère oropharyngée varie entre 11% et 63% selon les études (Field, EA., et coll. 1997 ; Kaplan, I., et coll. 2008 ; Lundström, IM. & Lindström, FD. 1995 ; Vitali, C., et coll. 2002). Chacune de ces études a utilisé des méthodologies différentes et la plupart n’ont porté que
sur une faible population. L’étude de Pierce, J.L., et coll. (2016) a eu pour but de déterminer la prévalence, les facteurs de risque et les répercussions sur la qualité de vie des troubles de la déglutition chez les personnes atteintes du syndrome de Gougerot-Sjögren, grâce à une cohorte conséquente et des évaluations standardisées. 98% des participants à cette étude se plaignent d’une sorte de difficulté à la déglutition et 64% souffrent réellement de dysphagie. Pour 91% de ces derniers, la dysphagie est chronique et pour 85% elle est apparue progressivement. 64% éprouvent des difficultés à avaler les solides. Pour 61% la nourriture colle à la gorge. Enfin, 55% ont besoin de
beaucoup mâcher et de prendre des petites quantités pour avaler sans souci. La dysphagie ne met pas le pronostic vital en jeu dans la plupart des cas. L’étude de Ruiz Allec, L., et coll. (2011), estime que la sécurité est efficiente chez 25 des 28 personnes ayant une dysphagie. Rogus-Pulia, N. M. & Logemann, J. A. (2011) affirment même que 97% des déglutitions sont fonctionnelles (sans fausses routes ou stases signifiantes). La dysphagie dans le syndrome de Gougerot-Sjögren résulte de la xérostomie et des troubles du péristaltisme oesophagien évoqués dans la partie précédente. La phase orale est altérée par le manque de contrôle du bolus. Celui-ci n’est pas insalivé. Les
aliments sont donc plus difficilement collectés, ils se dispersent en bouche, voire collent aux muqueuses qui sont privées de la lubrification que leur apporte la salive en temps normal. L’altération des muqueuses (des joues, de la langue), les caries et autres affections des dents participent à la difficulté de création du bolus. Rogus-Pulia & N. M., Logemann, J. A. (2011) ont également mis en évidence, de manière significative, un retard du réflexe de déglutition, un recul de la base de langue ralenti et un maintien insuffisant du sphincter buccal postérieur (notamment quand le bolus est plus petit – 1, 3 et 5 mL vs 10 mL de liquides – et plus fin – 3 mL de liquides vs cookies). Ces altérations empêchent une bonne propulsion du bolus vers le pharynx. Des résidus de nourriture peuvent être retrouvés sur la langue. Ces accumulations ou stagnations dans les structures bucco-pharyngo-laryngées sont appelées « stases ». A cela, il faut ajouter la douleur provoquée par la progression des aliments qui peuvent être secs sur des muqueuses elles-mêmes asséchées. Durant la phase pharyngée, du fait de la sécheresse, il peut y avoir des blocages. Woisard-
Bassols, V. & Puech, M. (2011) définissent les blocages comme correspondant à l’arrêt de la progression du bolus amenant le patient à ressentir quelque chose qui bloque ou des restes au niveau de la fourchette sternale ou derrière le larynx. Par ailleurs, la fermeture laryngée qui protège les voies aériennes supérieures est plus courte que la normale. Ce phénomène est accentué par des bolus épais. Associée au recul de la base de langue qui est ralenti, les aliments glissent difficilement de la bouche vers le sphincter supérieur de l’oesophage. La phase pharyngée peut alors se caractériser par des stases valléculaires voire des fausses routes, notamment avec les solides (24 cas
sur 28 dans l’étude de Ruiz Allec, L., et coll., 2011). Les stases orales et pharyngées arrivent de manière significativement plus élevée que chez des sujets sains (Rogus-Pulia, N. M. & Logemann, J. A. 2011).
Enfin, durant la phase oesophagienne, les troubles de la motricité de l’oesophage rendent difficile le passage des aliments vers l’estomac. Ils descendent lentement, collent voire stagnent, provoquant des douleurs lors des repas. A partir d’une cohorte de 22 sujets avec un syndrome de Gougerot-Sjögren, Kjellén, G., et coll. (1986), situent le site médian de dysphagie dans une partie de la poitrine correspondant à la partie supérieure de l’oesophage. Ils précisent que même chez des sujets sains, un bolus sec a tendance à coller à cet endroit précis. La phase oesophagienne est également altérée après que les aliments ont passé le sphincter inférieur de l’oesophage. En effet, Wan Nik, W.N.N., et coll. (2011) ont montré que plusieurs malades pouvaient avoir un reflux gastro-oesophagien, responsable de brûlures d’estomac et de régurgitations. Dans leur étude, une proportion significativement plus importante de patients présentait ces symptômes par rapport aux sujets contrôles. Sur 33 personnes avec un syndrome de
Gougerot-Sjögren, 57,6% souffraient de brûlures d’estomac et 42,4% de régurgitations. 61% prenaient des médicaments anti-reflux. Ces reflux sont d’autant plus désagréables que l’absence de salive empêche l’acidité résiduelle d’être neutralisée. Si une atteinte neurologique existe, des troubles de la sensibilité et/ou de la motricité
peuvent s’ajouter et amplifier la dysphagie. Ainsi, certains patients des études sus-citées ont présenté une diminution de la sensibilité du larynx et du pharynx.
2.3.1.2. La dysgueusie
Les aliments contiennent des substances gustatives diverses telles que des minéraux, des ions, des polysaccharides et des acides aminés. Certaines d’entre elles interagissent chimiquement avec la salive avant leur fixation aux sites récepteurs du goût. Les enzymes digestives contenues par la salive peuvent modifier le goût originel de divers aliments. Les récepteurs gustatifs, quant à eux, sont censés être protégés par la salive (Liebaut, L. 2011). Or, cette dernière se trouve être en quantité et qualité insuffisantes dans le syndrome de Gougerot-Sjögren et ne peut donc pas assurer ces rôles. Les scientifiques ont supposé qu’il en résultait des troubles du goût que l’on appelle dysgueusies. Les troubles du goût peuvent être de nature qualitative et/ou quantitative, affecter l’ensemble
des saveurs (amer, acide, salé, sucré) ou être sélectifs (Favre, G. & Pillon, F. 2012). Plusieurs études ont été menées pour vérifier cette hypothèse (Gomez, F.E., et coll. 2004 ; Kamel U.F., et coll.2009 ; Weiffenbach, J., et coll. 1995). Aucune n’a statistiquement montré le lien entre sécheresse buccale et dysgueusie. Pourtant, toutes attestent de troubles du goût chez les personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren. Les patients détectent et reconnaissent moins bien les saveurs : ils ont une hypogueusie. Dans l’étude de Weiffenbach, J., et coll. (1995), sur 31 participants, 51,61% se plaignaient de cette diminution de leur acuité gustative. Kamel, U.F., et coll. (2009), avaient par
ailleurs trouvé un trouble de l’olfaction corrélé au trouble du goût.
2.3.1.3. Dénutrition et perte de poids
Pour pallier le manque de lubrification, les personnes boivent en général beaucoup d’eau. La sensation de satiété est vite arrivée. Le repas s’achève donc prématurément. Non seulement, cela réduit les apports nutritifs mais boire trop d’eau dilue les sucs gastriques. De ce fait, l’organisme ne tire pas le meilleur bénéfice de la nourriture qu’il digère.
De plus, de nombreuses complications peuvent apparaître au niveau buccal, du fait de la xérostomie (caries, édentation, prothèses dentaires qui ne tiennent plus, candidoses, stomatite…). D’après plusieurs études, une partie des personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren ressentent des douleurs de la sphère oro-pharyngée : 34% dans celle Kaplan, I., et coll. (2008), 28% dans celle de Vitali, C., et coll. (2002), 11% dans celle de Field, EA., et coll. (1997) et 63% dans celle de Lundström, IM. & Lindström, FD. (1995). Ces douleurs amplifient le risque de dénutrition car les quantités de nourriture ingérées sont réduites afin d’abréger le moment difficile du repas. Par
ailleurs, certaines textures peuvent être problématiques et écartées par les personnes elles-mêmes qui se retrouvent avec une alimentation sélective et trop pauvre. Une alimentation en qualité et en quantité insuffisantes peut amener les personnes concernées à perdre du poids de façon anormale, ce qui met en danger leur santé.
2.3.2. Sur la voix et la parole
Le syndrome de Gougerot-Sjögren est répertorié dans la Classification manual for voice disorders, Volume 1 sous la référence 4250, dans la section « Conditions systémiques influençant la voix ». Dans le cadre d’une démarche de recherche au laboratoire LURCO, Sicard, E., et coll. (2014) ont travaillé à la construction d’une base de données de voix s’appuyant sur cette classification. Hélas, leur travail n’a pu inclure des échantillons de voix pour cette pathologie rare et peu prise en charge par les orthophonistes. Pourtant, les patients ne sont effectivement pas exempts de troubles vocaux. Certains se plaignent d’enrouement, de raucité, de baisse d’intensité, de difficulté à parler longtemps… Sreebny, L., et coll. (1988) disent que 48% des personnes qui présentent une xérostomie ont des troubles de la parole. 13 personnes sur 31 (41,9%) se plaignent de problèmes de voix et 12 (38,7%) disent avoir des problèmes pour parler dans l’étude de Ruiz Allec, L., et coll. (2011). L’intelligibilité est préservée mais les paramètres vocaux sont en effet modifiés. Parler requiert la mobilisation de l’appareil phonatoire dans son ensemble. Celui-ci se
constitue de trois éléments : l’appareil respiratoire qui fournit l’énergie nécessaire à la vibration laryngée, le larynx qui donne un son laryngé primaire et les cavités de résonance (pharynx, voile du palais, langue, joues, lèvres, dents, palais…) qui modulent et articulent le son laryngé primaire pour le transformer en parole. Toute altération de l’intégrité ou du fonctionnement d’un de ces éléments peut occasionner des perturbation du son émis.
Dans la partie précédente, les atteintes de la sphère ORL ont été mentionnées. L’appareil respiratoire peut être touché et ne plus pouvoir assurer le même volume expiratoire. Lors de l’émission d’un son, les cordes vocales sont accolées. L’air expulsé par les poumons induit une augmentation de la pression sous-glottique. Lorsque la pression devient trop forte, les cordes vocales se décollent l’une de l’autre pour laisser s’échapper un puff d’air puis reviennent à leur position initiale. C’est la répétition de ce phénomène qui permet la vibration des cordes vocales. Un volume expiratoire plus faible provoquera une pression sous-glottique moins importante et une moins bonne vibration des cordes vocales. Par ailleurs, les cordes vocales et plus largement le larynx peuvent être le siège de sécheresse et d’inflammation. Ils perdent de leur souplesse, ce qui peut altérer l’élasticité et donc l’ondulation des cordes vocales. L’étude de Ruiz Allec, L., et coll. (2011), a montré que sur 31 personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren 90,32% présentait une diminution de l’amplitude des ondulations des cordes vocales. Ils ont également mis en évidence un déficit de fermeture glottique dans 48% des cas. Le reflux gastro-oesophagien et la toux chronique auxquels sont parfois confrontées les personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren sont également responsables de l’inflammation et de la fragilisation des cordes vocales. Sous l’influence du reflux, de la toux, de la
sécheresse et de l’inflammation, les cordes vocales sont un terrain privilégié aux nodules et aux polypes. La présence de mucus épais au niveau du larynx peut également gêner lors de la phonation. Enfin, les cavités de résonance subissent toutes les conséquences de la diminution salivaire. Les organes bucco-faciaux sont asséchés, moins souples et donc moins mobiles. Quand l’hyposialie est franche, la muqueuse buccale devient mate, collante, fragile, et la langue rouge, dépapillée, fissurée. Dans l’étude de Kaplan, I., et coll. (2008), 78% des participants avec un syndrome de Gougerot-Sjögren ont des altérations des muqueuses orales. La langue peut coller au palais, les joues aux dents… Les articulateurs ainsi altérés ne jouent plus leur rôle aussi efficacement et l’articulation devient plus difficile. L’étude de Rhodus, N.L., et coll. (1995), allait dans ce sens puisqu’elle avait montré une différence significative pour le nombre de répétition de /puh-tuh-kuh/entre les groupes des personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren (7 primaire et 7 secondaire)et un groupe contrôle.
Il ne faut pas oublier que certaines atteintes nerveuses, lorsqu’elles sont présentes, peuvent également avoir un impact sur l’appareil phonatoire (déviation de la langue, mauvais contrôle des muscles oro-pharyngés…). Ruiz Allec, L., et coll. (2011) retrouvaient ainsi une dysarthrie* chez 3,2% des participants à leur étude. A cause de ces modifications, la voix produite n’est pas toujours celle attendue. On parle de dysphonie*. Le risque est alors d’adopter un geste vocal inapproprié (forçage vocal) pour compenser. Or, un geste vocal inapproprié malmène un peu plus l’appareil phonatoire et amplifie la dysphonie. Il faut à tout prix éviter d’enclencher ce cercle vicieux qui peut être à l’origine d’autres complications, certes bénignes (nodules, polypes). Plusieurs études ont cherché à qualifier la dysphonie liée au syndrome de Gougerot-Sjögren.
Celles de Ruiz Allec, L., et coll. (2011) et de Heller, A., et coll. (2014) ont montré que respectivement 70 et 100% de leur cohorte présentait une dysphonie qui était de légère à modérée. Heller, A., et coll. (2014) et Ogut, F., et coll. (2005) ont utilisé le jitter, le shimmer, l’APQ (Amplitude Perturbation Quotient), le PPQ (Pitch Perturbation Quotient) et l’AFF (Average Fundamental Frequency) pour décrire les altérations des différents paramètres de la voix (intensité et hauteur). Le jitter et le PPQ sont des mesures des variations à court terme de la fréquence fondamentale. Le shimmer et l’APQ sont des mesures des variations à court terme de l’amplitude du
signal. Le PPQ et l’APQ sont calculés sur plusieurs périodes d’affilée pour lisser les variations vocales plus ou moins naturelles et volontaires (trémolo par exemple). Dans les deux études, le shimmer et l’APQ étaient significativement différents des normes. Cela signifie que l’amplitude de l’ondulation des cordes vocales n’est pas régulière et que l’intensité, c’est-à-dire la puissance de la voix s’en retrouve irrégulière. Cela s’explique par la pression sousglottique
insuffisante. A l’oreille, cela peut se traduire par un enrouement, une voix soufflée ou éraillée… Dans la première étude, le jitter était à la limite d’être significativement différent des normes et dans la seconde il l’était. Dans la première étude le PPQ était significativement plus élevé pour les personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren par rapport aux personnes témoins. Dans la seconde étude, l’AFF allait dans le sens d’une fréquence fondamentale augmentée. Cela signifie que la hauteur est significativement modifiée : la voix devient plus aiguë. Ce phénomène vient du changement de pression sous-glottique et de la modification de la souplesse des cordes vocales qui
deviennent plus raides et propagent donc les ondes différemment. Ruiz Allec, L., et coll. (2011) ont découvert, par la présence de segments apériodiques dans les résultats de leur étude, que le timbre était altéré (la voix moins riche). Cela résulte ici aussi du changement de pression sous-glottique et de la modification de la souplesse des cordes vocales. Ces chercheurs ont également relevé des altérations du rythme de la parole chez 13 des 31 participants
qui s’expliquent par la difficulté à mobiliser les résonateurs, comme il a été détaillé plus haut.
2.3.3. Sur les fonctions cognitives
Les patients rapportent avoir des problèmes notamment pour maintenir leur attention en cours d’activité : ils perdent le fil de leur pensée, ne savent plus ce qu’ils voulaient dire, oublient la tâche qu’ils voulaient faire ou l’objet qu’ils cherchaient (Epstein, L., et coll. 2014). Ce défaut d’attention est attesté par plusieurs études mais les répercussions des atteintes neurologiques ne se cantonnent pas à cela. En effet, bien que les études ne citent pas exactement les mêmes domaines touchés, elles s’accordent sur des atteintes se rapprochant d’un syndrome frontal avec un ralentissement intellectuel sans détérioration intellectuelle profonde (30% des 29 participants à l’étude d Segal, BM., et coll. 2012) , des troubles de la mémoire et des fonctions exécutives (inhibition, flexibilité, attention) ainsi que des troubles psychiatriques (dépression, anxiété, perturbations émotionnelles). Certaines études remarquaient également une diminution de la fluence verbale, une incapacité à résister à un conflit, et des troubles de la dénomination des visages. Pour Segal, BM., et coll. (2012), l’altération de la mémoire concernait la mémoire implicite. Ils trouvaient également des différences significatives entre les groupes contrôles et avec syndrome de Gougerot-Sjögren concernant la vitesse de traitement de l’information et le raisonnement verbal. Une différence avait été notée à la fluence verbale et à la mémoire verbale mais n’était pas significative. Dans l’étude de Martínez, S., et coll. (2010) comptant 12 participants, des différences significatives avaient été trouvées sur les résultats testant la mémoire visuelle, les fonctions visuo-spatiales, et le temps de réaction mais pas sur la fluence verbale. Rodrigues, D-N., et coll. (2014) ne trouvaient pas de modification de la fluence verbale non plus. Blanc, F., et coll. (2009) ont décrit le cas d’une femme qui a fait une encéphalopathie de Gougerot-Sjögren. Initialement, à la BEC 96, elle obtenait un score de 53/96 : l’acquisition des images et l’apprentissage verbal étaient impossibles. Seuls les problèmes les plus simples étaient faisables. La fluence verbale était nettement touchée. Les capacités visuo-constructives étaient bonnes pour la copie du cube mais altérées pour les triangles enchevêtrés. Un mois après le
traitement médicamenteux, le statut cognitif s’était amélioré avec une BEC 96 à 86/96. Il persistaitdes troubles de la mémoire verbale pour le rappel et l’apprentissage. Les fluences verbales phonémiques (P, F, L) et sémantiques (animaux) restaient déficitaires. Ces troubles de la mémoire et des fonctions exécutives disparurent progressivement lors des contrôles à 3 mois mais surtout à 1 an.
Ces diverses études permettent de dresser un tableau d’ensemble des déficits cognitifs pouvant être rencontrés dans un syndrome de Gougerot-Sjögren. « Ces troubles, très fréquents, posent des problèmes thérapeutiques non résolus. Ils sont sous-estimés et mal pris en charge » (Guillevin, L., 2005, p.2).
2.3.4. Sur la qualité de vie
Au-delà des répercussions physiques, la maladie affecte le moral des patients et modifie toute leur gestion du quotidien. Mariette X. (2002) rapporte ainsi que la qualité de vie est fortement diminuée, aussi bien sur le versant physique que mental chez les personnes avec un syndrome de Gougerot-Sjögren. Ils doivent gérer la fatigue et se ménager. Il n’est plus toujours possible pour eux d’agir comme ils le voudraient, que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle. Ils doivent supporter ce handicap invisible et ont souvent l’impression de ne pas être compris par leur entourage. Les activités aussi primitives que respirer, se nourrir et communiquer sont susceptibles d’être altérées. D’après l’étude de Tanner, K. et coll. (2015), les troubles vocaux sont significativement corrélés avec la réduction des scores au SF-36 et au V-RQOL (réductions d’intensité légère à modérée dans la qualité de vie). Les personnes qui ont un métier nécessitant l’usage de leur voix peuvent se trouver d’autant plus gênées par leur dysphonie. Dans l’étude de Pierce, J.L., et coll. 2016, l’examen des résultats a révélé que les résultats au MDADI étaient légèrement à modérément diminués du fait d’une dysphagie. Les malades ayant signalé des troubles de la déglutition avaient également des scores plus pauvres de qualité de vie sur les échelles physique et mentale du SF-36 par rapport à ceux qui n’en avaient pas mentionnés. Il faut considérer qu’il peut y avoir, du fait d’une dysphagie, une perte de la convivialité, du plaisir de « passer à table » voire une peur des prises alimentaires. Lorsque les traitements habituels ne suffisent pas à soulager leurs symptômes, il arrive que certains patients se tournent vers des médecines alternatives dans le but d’estomper leur souffrance. Peu songent à l’orthophonie comme aide éventuelle.
Extrait du mémoire « Apports d’une intervention orthophonique à la prise en charge d’un Syndrome de Gougerot-Sjögren » de Natacha LEWANDOWSKI.
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